Pragois de naissance, germanophone de Bohême, Autrichien de nationalité, Viennois dans l’âme, Français de cœur, puis Américain par nécessité, Paul Amann (1884–1958) est juif avant tout. Sa vie est une série de survies. Son ouverture d’esprit et un travail acharné lui donnent les moyens de surmonter des origines modestes. Son attachement aux idéaux humanistes le soutient quand les événements de l’histoire, la Grande Guerre, le nazisme et la Seconde Guerre mondiale lui infligent blessures et humiliations. Son irréductible passion pour la littérature l’aide à accepter ses déconvenues d’auteur et lui permet de se faire reconnaître comme un traducteur exceptionnel. Mais ce qui illumine, à tout moment, l’existence de Paul Amann est la vénération qu’il voue à Romain Rolland (1866–1944) et l’amitié qui le lie à Jean-Richard Bloch (1884–1947) ainsi qu’en témoigne son abondante correspondance avec l’un et l’autre.
Les quatre cent quarante-deux pièces (lettres, cartes, billets et télégrammes) qui constituent la correspondance de Paul Amann avec Romain Rolland et Jean-Richard Bloch n’expriment pas seulement une affection et une confiance exemplaires fondées sur de profondes affinités spirituelles, littéraires, et parfois, politiques entre des individus. Elles révèlent aussi „les réseaux de sociabilités intellectuelles“ entre l’Autriche et la France dans cette période si riche que fut l’entre-deux-guerres et permettent de se souvenir d’un grand nombre de personnes, connues ou moins connues qui, dès 1919, ont été les porte-parole d’une politique française d’ouverture, tendant la main aux vaincus au lieu de les écraser davantage.