Samira Farhoud analyse dans ce livre incontournable l’importance de la contribution de l’écriture autobiographique maghrébine au développement de la littérature francophone à partir de l’œuvre d’Assia Djebar, de Sakinna Boukhedenna, de Fatiah, de Malika Oufkir et de Fatima Mernissi.
Elle examine la complexité, l’hybridité et l’hétérogénéité du « je » autobiographique. Son étude archéologique et généalogique inédite du « je » décèle la richesse du genre autobiographique pratiqué par des auteures issues du Maghreb. Elle montre comment le « je » ramasse des traditions arabo-islamique, occidentale et cosmopolite. Cet héritage de traditions méditerranéennes est observé comme un « butin de guerre » sociolinguistique et socioculturel bien qu’une « séquelle » d’un amer passé colonial. Ce « métissage » de cultures se démarque par son ambivalence. Le « je » de Djebar, Mernissi, Fatiah et Boukhedenna s’oppose au paternalisme politique au nom des femmes et des « voix des femmes invisibles. » Le « je » devient un « nous » de « sororité » («sisterhood») entre les femmes. Toutefois, le « je » de Malika Oufkir reste délimité par le nombrilisme familial (le « nous Oufkir »). Le « nous » sera diasporique et liminal sous la plume (le qalam) de Sakinna Boukhedenna. Dans sa quête d’identité, elle rejette les concepts de citoyenneté et adopte une « Nationalité : immigré(e) » et réclame une nouvelle identité, celle d’une femme arabe libre sur « le chemin de l’exil » et de l’écriture.
L’écriture autobiographique des femmes phares et élites comme Assia Dejbar et Fatima Mernissi et des écrivaines occasionnelles à l’image de Sakinna Boukhedenna, Fatiah et Malika Oufkir collaborent à la compréhension sociopolitique du Maghreb, de l’Europe et surtout de la France (l’ancien pays colonisateur) dans leur lecture et réécriture de l’Histoire (avec un grand « h »). Elles déconstruisent l’Histoire et l’autobiographie dans leur écriture et contestent les autorités paternalistes coloniales et nationales.